Les français ont un rapport très particulier avec leurs juges. Ils leur font généralement confiance mais sont parfois déçus après le verdict. Ils les respectent et les craignent en même temps. 

 
Ils sont aussi souvent critiqués avec violence par certains en raison de leur indépendance et de leur pouvoir parfois immense de pouvoir mettre en garde à vue les puissants de ce monde.
 
Il est vrai que c’est un métier qui est beau mais difficile. 
 
Qui suis-je pour le juger ? Pour l’envoyer en prison ? Est-ce une peine adaptée ? Ai-je jugé en vertu de ce que je considère comme étant la juste peine ou ai-je agi sous l’emprise de mes émotions ?
 
Ce sont ces questions, non exhaustives que doit, que devrait se poser le juge avant de prendre une décision.
 
Et il existe un magistrat qui a marqué son temps, par ses idées humanistes et progressistes.
 
On l’appelait : "Le bon juge".
 
Paul Magnaud, petit juge de province présidait de 1887 à 1910 le Tribunal de Château-Thierry.
 
Son premier fait d’arme remonte au 4 mars 1898.
 
Alors qu’il préside l’audience correctionnelle du Tribunal de Château-Thierry, il doit juger une jeune femme, Louise Ménard, mère d’un enfant de deux ans qui n’avaient tous les deux pas mangé depuis 36 heures et qui avait volé du pain.
 
Les faits sont établis et le vol caractérisé.
 
Le Tribunal se retire pour délibérer, revient et rend sa décision.
 
Un attendu du jugement deviendra célèbre :
 
"Il est regrettable que, dans une société bien organisée, un des membres de cette société, surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute".
 
La jeune maman est relaxée.
 
La décision du juge va faire le tour de France.
 
Le droit de propriété jusqu’alors principe absolu va plier face à d’autres considérations plus humaines.
 
Mais cette décision était-elle fondée sur le plan du droit ?
 
Absolument pas. 
 
Cette décision allait à l’encontre des règles applicables lesquelles étaient d’ailleurs conformes à l’état d’esprit de l’époque.
 
Certes, cette femme aurait pu éviter la prison, obtenir une peine symbolique mais de là à la relaxer…
 
Je ne dis pas que cette décision devient alors une autre affaire Dreyfus qui sépare la France entre les pour et les contre mais elle va susciter énormément de commentaires.
 
Le Procureur décide de faire appel de la décision.
 
A l’audience d’appel, le réquisitoire est implacable ; l'Avocat Général demande à la Cour de revenir sur cette décision totalement infondée en droit.
 
Et là, stupéfaction ! La Cour d’Appel, courageusement, confirme la décision du juge Magnaud et va faire ce que l’on appelle "jurisprudence".
 
Elle va créer la notion d’état de nécessité qui depuis figure dans notre code pénal.
 
En résumé, la personne qui a agi alors qu’elle était dans une situation telle qu’elle ne pouvait pas faire autrement ne peut être condamnée.
 
Par exemple, un homme poursuivi par des tueurs qui grille un feu pour leur échapper ne pourra pas être condamné pour avoir brulé le feu.
 
Aujourd’hui, on apprécie au cas par cas.
 
Il est difficile de plaider en France au XXIe siècle l’état de nécessité lié au risque de mourir de faim ; en 1898 c’était peut-être un peu différent.
 
Et même si la décision n’était peut-être pas vraiment justifiée en droit, et qu’il ne s’agissait peut être pas d’un véritable état de nécessité, elle a permis de faire avancer le droit et les mentalités.
 
Et souvent, la loi avance grâce à des provocations et des excès.
 
D’autres faits d’arme sont à relever.
 
Déjà il va relaxer bon nombre d’autres mendiants voleurs de pain. Lors d’accidents du travail, il va systématiquement avantager les salariés par rapport aux employeurs et aux compagnies d’assurance.
 
Il va favoriser les victimes piétonnes d’accidents de la route par rapport aux automobiles.
 
Il va s’ériger contre la répression pénale de l’adultère.
 
Il va prononcer des divorces par consentement mutuel avant qu’ils n’existent.
 
Il va favoriser les peines éducatives et préventives pour les mineurs.
 
Ce qui est extraordinaire, c’est que par ses décisions, il a anticipé énormément de textes législatifs qui vont aller dans le même sens.
 
Etait-il visionnaire ou était-il à l’origine de ces changements législatifs?
 
Ce qui est sûre c’est qu’il avait un regard ultra avant-gardiste sur l’application du droit.
 
En 1906, il est devenu député. 
 
En 1910, revenu dans la magistrature on l’a collé à un poste où il ne pouvait plus prendre aucune décision tant il est vrai que ses idées révolutionnaires n’étaient pas sans poser problème vis-à-vis de l’establishment.
 
Puis la guerre est arrivée, il a été mobilisé et sa conduite héroïque au combat lui valut une décoration.
 
Il mourut en 1926 à l’âge de 78 ans. Sur sa tombe, son épouse fit graver ces mots: 
 
"Le bon juge" 

 

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